<img src="https://img.huffingtonpost.com/asset/61b3aab6260000b7733d04e1.jpeg?ops=scalefit_630_noupscale" alt="L’hôpital n’attire plus: trop de pression. Trop de tension. Pas assez de moyens.
La médecine de ville n’attire pas: il faut dire qu’à force de la dénigrer elle est devenue invisible. À force d’être les paillassons de tout le monde, les soignants de ville ont de plus en plus de mal à trouver une raison de se lever le matin.” data-caption=”L’hôpital n’attire plus: trop de pression. Trop de tension. Pas assez de moyens.
La médecine de ville n’attire pas: il faut dire qu’à force de la dénigrer elle est devenue invisible. À force d’être les paillassons de tout le monde, les soignants de ville ont de plus en plus de mal à trouver une raison de se lever le matin.” data-rich-caption=”L’hôpital n’attire plus: trop de pression. Trop de tension. Pas assez de moyens.
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SANTÉ – Oui, je vous vois penser “Pfff, et voilà, encore un discours pour faire pleurer dans les chaumières”, “On en a marre de ce Covid, on en a marre de ces soignants qui se plaignent encore et toujours, on n’en peut plus”″. Je vous rejoins sur une chose: on n’a jamais autant vu de soignants sur les médias, les journaux télévisions, les matinales radio, les réseaux sociaux et pourtant… Je ne suis pas sûre qu’ils en soient plus entendus. Voilà près de deux ans que nous baignons dans le Covid, que nous allons d’alertes sanitaires en conseils de défense, à nous demander à quelle restriction nous allons être mangés et pourtant, pourtant… Il y a un message qui ne passe pas.
Mes journées de douze heures ne suffisent plus mais je ne peux raisonnablement pas les allonger encore sans me mettre en danger, sans mettre en danger mes patients.
Plus que jamais nous manquons de lits, de matériels, de moyens, mais plus encore: nous manquons de personnels.
Nous manquons de personnel à l’hôpital.
Nous manquons de personnel en ville.
Il n’y a plus assez de soignants.
Trop d’hommes, trop de femmes ont été broyés par le fait de soigner et sont partis.
Aujourd’hui, en France, en 2021, des lits sont fermés parce qu’il n’y a plus de médecins, plus d’infirmiers, plus d’aides-soignants, plus de sages-femmes pour gérer les malades qui viendraient les remplir.
Soigner n’attire plus. Pire: la vocation ne suffit plus
Et non, le Ségur n’a rien réglé, n’en déplaise à mon ministre de la Santé ou au porte-parole du Gouvernement: il n’a été qu’un pansement, qu’un coup de communication pour donner l’illusion que les soignants auraient été entendus, écoutés, considérés.
Non, Monsieur Véran, ne vous en déplaise: soigner n’est pas qu’une question d’argent, mais soigner en coûte, et il va falloir vous y résigner.
Non, Monsieur Moscovici, on ne peut pas demander à des soignants d’attendre en vain une “optimisation” qui vous permettrait encore et toujours de faire des économies sur des personnels déjà à genoux.
Que veulent les soignants?
Faire leur travail, sans se préoccuper de taches qui ne sont pas les leurs.
Oui les soignants veulent soigner au sens littéral et noble du terme.
Soigner, à la quête de ce qu’est le soin, l’attention à l’autre.
Soigner, à la reconquête de tout ce qu’il recèle d’humanité.
Soigner, avec la volonté de prendre le temps de prendre en charge nos patients.
Soigner, en retrouvant ce petit quelque chose qui nous manque tant, simplement connaître nos patients, leur nom de famille, leur problème de santé, leur projet de soin… bien loin de la situation actuelle qui leur donne pour patronyme un numéro de chambre…
Que veulent les soignants? Que veulent les patients?
Que veulent les soignants?
Retrouver le dialogue avec des patients.
Retrouver l’humanité, surtout.
Pouvoir soigner dignement, correctement, sans être interrompu.
Oublier les exigences de rentabilité qu’on leur impose.
Que veulent les patients?
Être écoutés. Être rassurés.
Pouvoir être reçus rapidement en cas d’urgence.
Ne pas avoir besoin de passe-droit pour pouvoir accéder à un médecin.
Est-ce aujourd’hui possible? Hélas non… et probablement encore moins demain. À cause de qui? À cause de quoi? Ces questions sont-elles encore seulement utiles? Par contre, qui essaiera seulement de leur trouver une réponse?
Mes journées de douze heures ne suffisent plus: j’ai beau enchaîner consultations, coups de téléphone, urgences, avis, visites à domicile, cela ne suffit pas. Parfois 40 patients par jour… et pourtant cela ne suffit pas. Pourtant, je dois me résigner: je ne peux raisonnablement pas faire plus sans me mettre en danger, sans mettre en danger mes patients. À force de tirer sur la corde, elle casse. Alors nous craquons. Alors nous abdiquons. La crise de foi des soignants a déjà débuté.
L’hôpital n’attire plus: trop de pression. Trop de tension. Pas assez de moyens.
La médecine de ville n’attire pas: il faut dire qu’à force de la dénigrer elle est devenue invisible. À force d’être les paillassons de tout le monde, les soignants de ville ont de plus en plus de mal à trouver une raison de se lever le matin.
Impossible de continuer à exercer lorsque l’on perd le sens de ce que soigner veut dire.
Impossible de continuer de soigner lorsque les conditions de travail nous rendent maltraitants.
Alors oui, nous baissons les bras. Nous abdiquons
Alors oui, à contrecœur, nous baissons les bras. Nous abdiquons. Lorsque soigner nous rend nous-mêmes malades, nous nous résignons à abandonner ce qui nous faisait rêver, vivre, vibrer.
Messieurs les politiciens, il fut un temps où vous vouliez sauver la Sécurité sociale. Aujourd’hui vous continuez à crucifier le soin sur l’autel de vos économies. Mauvaise nouvelle tant pour les soignants que pour les patients: vous n’avez manifestement pas l’intention d’en rester là. Vous finirez par mettre “la” santé au pilori parce que vous estimez qu’elle “vous” coûte trop cher. Voilà ce que vous n’osez pas dire: avez-vous seulement l’intention de soigner les gens quoi qu’il en coûte? Ou bien faut-il sauver l’économie quoi qu’il en coûte? Voilà ce que nous sommes tous coupables de ne pas voir, de ne pas dire, de laisser faire.
Messieurs les politiciens, combien de soignants étaient dans la rue début décembre, dénonçant l’agonie de l’hôpital, l’aggravation des conditions de travail, le manque de moyens, les fermetures des hôpitaux de proximité et des lits d’aval?
Messieurs les politiciens, combien de soignants libéraux “déplaquent”, cessent prématurément leur activité, usés autant que désabusés de voir que, quoiqu’ils puissent faire, cela ne suffira pas?
“Il faut sauver la santé”, dites-vous maintenant que vous rentrez en campagne, mais vous avez tous prouvé votre maîtrise certaine dans l’illusion de vouloir le faire… Sans jamais le faire vraiment.
Nous, soignants, voulons soigner tout le monde.
Nous ne voulons pas faire de tri.
Nous ne voulons pas abandonner les plus précaires.
Nous voulons “juste” faire notre boulot.
Nous espérons “juste” le faire bien.
Nous demandons “juste” de le faire avec les moyens et les ambitions de la cinquième puissance économique mondiale.
Nous le disions avec force avant même la pandémie, nous le réaffirmons aujourd’hui.
Mais nous ne voulons, ni ne pouvons continuer à le faire au prix de nos santés ou de nos vies de famille.
Sauver la santé, une promesse de campagne?
Nous soignants, avons besoin de dialogue, avons besoin que soient proposées et trouvées des vraies solutions, tant pour la ville que pour l’hôpital, pas que soient lancés un énième audit ou un numéro vert.
Je ne suis pourtant pas naïve. Tous vos serments des prochains mois ne seront que promesses de campagne, paroles en l’air, formules rhétoriques. A vous, mes confrères, collègues de galère, je redis de prendre soin de vous. En l’état actuel des choses, personne ne le fera pour vous. Battons-nous ensemble pour défendre le soin, mais pas à n’importe quel prix.
A vous, candidats, je poserai simplement cette question : que vous restera-t-il quand il ne restera plus personne à contraindre ? Plus personne à montrer du doigt ? Que vous restera-t-il lorsqu’il n’y aura plus personne pour soigner ? Des larmes ? Des regrets ? Ou l’amertume de n’avoir pas su vous battre pour empêcher la bérézina et la mise en danger de notre bien le plus précieux ? La santé n’a pas de prix et pourtant, vous voulez la brader…
A vous, candidats, qu’attendez-vous pour seulement réfléchir à une solution ? Comment réconcilier les soignants avec leurs vocations ? Comment réconcilier les patients avec la chance qu’ils ont de pouvoir simplement se soigner ?
Nous sommes déjà dans le mur. Sans acte concret de votre part, bientôt il ne restera que des ruines. Plus d’hôpital, plus de recherche, plus de médecine de ville. Sans acte concret de votre part, j’ai bien peur que dans nos déserts médicaux devenus nationaux, il ne nous reste que des regrets.
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Source Link Et si demain il n’y avait plus personne pour soigner? – BLOG